POLITIQUE
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Massacres en Algérie : La France a-t-elle tiré les leçons de ses atrocités coloniales ?
L'État français semble ne pas saisir la présence de certaines cultures étrangères, ce qui met en évidence une forme d'hypocrisie, car il utilise sa laïcité pour justifier ce qui est en réalité du racisme.
Massacres en Algérie : La France a-t-elle tiré les leçons de ses atrocités coloniales ?
Les crânes des victimes algériennes des massacres coloniaux continuent d'être exposés dans un musée français, en signe de fierté. Photos de l'exposition : Getty Images / Getty Images
9 mai 2025

Par Yahya Habil

Le 8 mai 2025 a marqué le 80e anniversaire du début des massacres perpétrés par la France en Algérie en 1945.

Ces massacres, menés par les autorités coloniales françaises et les milices de colons français (pieds-noirs) à Sétif, Guelma et Kherrata, ont commencé en « représailles » à la mort de 102 colons français lors d’émeutes par des Algériens.

Ces troubles ont été déclenchés par la répression violente de manifestants dans les rues de Sétif par les forces de sécurité françaises.

Le nombre d’Algériens non armés tués lors de ces massacres varie, selon les estimations des historiens, entre 3 000 et 30 000. Cela met en lumière le niveau de brutalité du colonialisme français.

À la lumière des politiques du gouvernement français actuel dirigé par Emmanuel Macron, on peut se demander si la France a tiré les leçons de ses atrocités passées.

La France d’aujourd’hui se targue d’être un État libéral, démocratique et laïque. L’État français met particulièrement en avant sa « laïcité ».

Cependant, malgré son caractère laïque, la France peine depuis longtemps à gérer le multiculturalisme.

Le multiculturalisme, comme son nom l’indique, implique la coexistence de multiples valeurs culturelles, parfois incompatibles entre elles ou avec celles de la majorité.

L’État français considère souvent les valeurs religieuses et culturelles des résidents non européens comme un obstacle à ses idéaux laïcs et libéraux.

Par exemple, les immigrants nord-africains vivant en France adhèrent à leurs propres valeurs culturelles et islamiques, notamment le port du hijab, qui est perçu comme incompatible avec la culture française et ciblé par des interdictions.

Pourtant, si la France était véritablement laïque, cela ne devrait pas poser problème, car la laïcité vise non seulement à séparer la religion de l’État, mais aussi à protéger la vie religieuse et ses diverses manifestations.

Cependant, l’État français semble avoir du mal à accepter la présence de certaines cultures étrangères, ce qui révèle une forme d’hypocrisie, utilisant la laïcité pour justifier ce qui est en réalité du racisme.

Comment cela s’inscrit-il dans les massacres des Algériens ?

Indéniablement, le racisme a alimenté ces massacres. En réalité, tout le projet colonial français en Algérie et ailleurs reposait sur le racisme. Cela est confirmé par Frantz Fanon, philosophe politique français, qui affirmait : « En réalité, un pays colonial est un pays raciste ».

Après tout, les milices pieds-noirs, qui ont joué un rôle majeur dans ces massacres, étaient présentes pour s’installer sur les terres algériennes en se considérant plus « méritantes » de ces terres.

En fait, le multiculturalisme auquel la France est confrontée aujourd’hui est un sous-produit de ses anciennes entreprises coloniales. Ainsi, en refusant de gérer le multiculturalisme avec sagesse, peut-on dire que la France n’a pas tiré les leçons de son passé ?

Après tout, exposer les crânes des victimes algériennes des massacres coloniaux dans un musée français montre non seulement que la France n’a pas nécessairement tiré les leçons de son passé colonial, mais qu’elle semble en être fière.

L’Algérie a demandé à plusieurs reprises le rapatriement de ces crânes. Bien que certains aient été restitués (24 en 2020), beaucoup restent exposés au Musée national d’histoire naturelle de Paris.

De plus, parmi les 24 crânes rapatriés, seulement six ont pu être identifiés comme appartenant à des victimes algériennes grâce à des tests ADN.

Cela a ravivé les tensions diplomatiques dans une relation déjà tumultueuse entre la France et l’Algérie, qui s’est détériorée ces derniers mois en raison de l’arrestation d’un fonctionnaire consulaire algérien en France.

Cette turbulence diplomatique montre que la France n’a pas vraiment cherché à améliorer ses relations avec son ancienne colonie.

Cela s’applique également à ses autres anciennes colonies, notamment en Afrique subsaharienne.

Alors que la France tente de maintenir des relations avec ces pays, elle le fait souvent avec des caractéristiques typiques de soumission, de dépendance et d’exploitation.

Par exemple, bien que la France ait récemment perdu son influence dans plusieurs pays du Sahel, comme le Burkina Faso, le Niger, le Mali et le Tchad, elle maintient encore des bases militaires dans d’autres parties du continent pour assurer son influence militaire et politique.

De plus, elle exerce une influence économique sur de nombreux États d’Afrique subsaharienne via le franc CFA.

Le franc CFA, une monnaie coloniale et néocoloniale utilisée dans quatorze pays africains, est indexé sur l’euro et permet à la France de s’assurer que ces pays placent un pourcentage de leurs réserves de change dans un compte du Trésor français.

Cela permet au gouvernement français de superviser et d’influencer les trésors de quatorze nations africaines.

De telles politiques montrent que, bien qu’elle ne soit plus un empire colonial, la France reste un État néocolonial et néo-impérialiste cherchant à maintenir son emprise sur l’Afrique.

En d’autres termes, malgré la fin de son ère coloniale, la France n’a pas encore tiré les leçons de ce passé sombre, car les mêmes idéologies qui ont défini ses atrocités coloniales continuent de guider les politiques et approches de l’État français actuel.

En ce qui concerne les massacres du 8 mai en Algérie, il convient de rappeler que les manifestations de Sétif, qui ont déclenché ces massacres, célébraient initialement la Journée de la Victoire en Europe, le 8 mai, jour où les Alliés ont triomphé lors de la Seconde Guerre mondiale au nom de la liberté.

Ainsi, compte tenu des événements qui ont suivi, la signification de la liberté et du triomphe sur l’oppression pour la France reste déroutante. Mais son hypocrisie et sa liberté sélective sont évidentes.

L’auteur, Yahya Habil, est un journaliste libyen indépendant spécialisé dans les affaires africaines.

Avertissement : Les opinions exprimées par l’auteur ne reflètent pas nécessairement celles de TRT Afrika.

SOURCE:TRT Afrika
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