Face à la crise sécuritaire et au développement des nouveaux médias, des jeunes venus du monde de la communication ou du journalisme ont organisé du 3 au 4 mars 2025 un forum des nouveaux médias sur le thème : Gestion des nouveaux médias dans le contexte de lutte contre le terrorisme: enjeux et perspectives
"Les nouveaux médias sont définis comme tous les médias diffusés sous forme numérique, des articles de journaux aux blogs en passant par la musique et les podcasts. Qu'il s'agisse d'un site Web, d'un courrier électronique, d'un téléphone portable ou d'une application de streaming, toute forme de communication liée à Internet relève de ce concept.
Très vite, les nouveaux médias sont devenus une source d’information quotidienne pour la majorité des Burkinabè grâce à leur accessibilité et leur flexibilité. Bien encadrés et mieux fournis en contenus de qualité, ces médias peuvent contribuer à véhiculer des messages d’espoir et contribuer véritablement au retour de la paix.
D’où le sens du choix de ce thème central à cette première édition des nouveaux médias", a expliqué Marcus Kouaman, journaliste et Président du comité d’organisation de ce forum.
Pour ce journaliste, Directeur de publication du média en ligne La Tribune du Faso, il était nécessaire dans le contexte du Burkina Faso, de réunir les différents acteurs du monde des nouveaux médias pour échanger et sortir des propositions pour une utilisation plus efficiente des nouveaux médias.
Le forum des nouveaux médias s’est tenu du 3 au 5 avril à Ouagadougou et a donné lieu à plusieurs conférences sur "la régulation et la sécurisation des nouveaux médias dans le contexte sécuritaire », « quel regard croisé sur le modèle économique des nouveaux médias au Burkina Faso », quelle technologie pour les nouveaux médias".
Une séance de formation sur l’Intelligence artificielle (IA) a été organisée au profit d’une trentaine de journalistes en collaboration notamment avec la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).
L’apport des médias sociaux dans la lutte contre le terrorisme
Le Burkina Faso se bat depuis une dizaine d’années contre l’hydre terroriste.
La floraison des différents canaux de communication n’est pas de nature à faciliter les choses, reconnaît les organisateurs du forum indiquant que le citoyen lambda qui a accès aux réseaux sociaux devient lui-même un producteur de contenu pour animer les différentes plateformes numériques.
"Que l’information soit vraie ou fausse, on publie et on partage sans pour autant vérifier la véracité des faits. Du coup on se retrouve face à plusieurs fakes news et deapfakes. Il est parfois difficile pour le journaliste professionnel, qui est un aguerri, de détecter le vrai du faux tellement c’est bien élaborer avec l’aide de l’IA", affirme Marcus Kouaman.
"A l’issue des travaux du Forum, les participants ont d’ailleurs formulé des recommandations à l’endroit de l’Etat garant de la liberté de presse et d’expression. Il s’agit d’opérer des réformes législatives adaptées au contexte des nouveaux médias; de réguler d’une manière démocratique les plateformes numériques et d’élaborer une politique nationale sur les nouveaux médias. A l’endroit des organes de presse et des professionnels des médias, il leur est recommandé de respecter l’éthique et la déontologie et d’adopter une charte sur l’utilisation de l’intelligence artificielle", a déclaré le Président du Comité d’organisation.
Données sur les audiences
En termes de statistiques pour les réseaux sociaux au Burkina, le dernier point établi par Datareportal.com en janvier 2025 donne les chiffres suivants pour une population d’utilisateurs d’Internet de 5,75 millions, soit 24,2% de la population totale du pays, estimée à 23,8 millions d’habitants :
* Facebook : 3,4 millions d’utilisateurs
* LinkedIn : 450 000 utilisateurs
* Messenger : 441 000 utilisateurs
* X (Twitter) : 74 200 utilisateurs
* Instagram : 194 000 utilisateurs
Même s’il n’y a pas de statistiques disponibles, l’on note, précise Dr Paré, que WhatsApp est très populaire pour partager rapidement des informations, mais aussi des rumeurs. YouTube et plus récemment TikTok sont utilisés pour diffuser des contenus d’information ou de divertissement.
Multiplication des contenus et des risques
"L’émergence des nouveaux médias a engendré une multiplication des sources d’information, mais aussi une fragmentation du traitement éditorial et des audiences. Si certains médias numériques jouent un rôle crucial dans la couverture des attaques terroristes, d’autres participent, souvent involontairement, à la propagation de fausses nouvelles ou de discours sensationnalistes", a expliqué Dr Cyriaque Paré, chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) du Burkina Faso, fondateur du doyen des médias en ligne au Burkina, Lefaso.net
Dr Paré estime que la "précarité des conditions de travail des journalistes en ligne et des journalistes de façon générale, le manque de formation sur la couverture des conflits, ainsi que l’absence de lignes éditoriales claires, favorisent des dérives éthiques et déontologiques".
La diffusion d’images violentes, non contextualisées, ou de rumeurs non vérifiées, est fréquente, alimentant la psychose et nuisant à la cohésion sociale, a-t-il souligné.
Ainsi, indique-t-il, "certains blogueurs ou activistes burkinabè, par manque de formation journalistique ou par volonté de mobilisation politique, publient des analyses très engagées sur les attaques, avec des propos pouvant alimenter la stigmatisation ethnique ou communautaire".
Des dangers à contrôler ou des ressources à valoriser ?
"Tout cela montre la nécessité de former les journalistes en ligne aux règles du traitement de l'information en contexte de conflit (journalisme de paix, vérification des faits, protection des sources, etc.). Et aussi et surtout d’encadrer effectivement les activistes et les influenceurs, comme le prévoit la nouvelle loi organique du Conseil supérieur de la communication", a déclaré le patron de média lors de son intervention au forum.
Dr Cyriaque Paré affirme que la lutte contre le terrorisme est aussi une bataille de récits, de narratifs, selon le vocable de plus en plus à la mode.
Il revient, selon lui, à la société burkinabè dans son ensemble – journalistes, chercheurs, institutions, citoyens – de construire des récits adaptés fondés sur la vérité des faits, la solidarité et la justice.
"Et les nouveaux médias peuvent y contribuer, s’ils sont pensés non comme des dangers à contrôler, mais comme des ressources à valoriser. Ainsi, ils pourraient devenir non pas des menaces, mais des acteurs clés de résilience, de transparence, et de reconstruction de la confiance entre citoyens, médias et institutions", a-t-il suggéré.
Le gouvernement était représenté notamment par le président du Conseil supérieur de la communication (CSC), Louis Modeste Ouédraogo qui a déclaré que "Cette activité importante a permis de regrouper les acteurs du secteur des médias afin de réfléchir sur la problématique de la régulation des nouveaux médias en vue de faire d'eux, de véritables moyens de communication au service de la paix et du développement ».
Il a invité les participants, au sortir de ce forum à être des relais pour qu’ensemble, on puisse assainir l’espace médiatique et contribuer au renforcement de la paix et de la cohésion sociale dans notre pays.
Pour sa part, Pascal Yemboini Thiombiano, chargé de mission du ministère en charge de la communication, a apprécié la rencontre qui a permis de réfléchir sur « certains défis souffrent les nouveaux médias tels que des fake news et des deepfake doublée par l’évolution de l’intelligence artificielle. »