Jeudi dernier, l’émission L’After Foot, habituellement consacrée aux analyses tactiques post-match, s’est aventurée sur le terrain controversé des supposées “dérives communautaristes” dans le sport.
Ce débat, présenté comme une discussion sur un enjeu sociétal, a très vite tourné au scandale, suscitant une vague de critiques sur les réseaux sociaux et en interne à RMC.
Le malaise est d’autant plus palpable que l’un des consultants phares de l’émission, Walid Acherchour, a décidé de se mettre en retrait, dénonçant “l’angle du débat” et les “propos exclusivement dégradant et islamophobe”.
“Je ne peux pas accepter que la base de la discussion soit un rapport approximatif, rédigé par deux politiques qui utilisent régulièrement des propos exclusivement dégradant et islamophobe (...) Sur des sujets qui touchent l'identité de millions de personnes (ici les musulmans), je ne peux pas accepter que ce soit fait de cette façon en franchissant cette ligne pleine de raccourcis” s’est-il indigné, dimanche, sur X.

Le 15 mars marque la journée internationale de la lutte contre l’islamophobie. Une mobilisation qui divise en France compte tenu d’un passé et présent marqués par une défiance d’une partie des élites envers l’Islam.
Acherchour a annoncé vouloir “prendre du recul” et échanger avec la direction.
Gilbert Bribois, animateur de l’émission, a, quant à lui, tenté une forme d’auto-critique en admettant : “Si nous avons choqué toute une communauté, c’est que nous avons raté cette soirée”.
Une déclaration tardive qui s’inscrit dans un climat plus large où l’amalgame entre islam et séparatisme devient un réflexe médiatique.
Le tandem Odoul-Yadan
Le choix des invités en disait déjà long sur l’orientation du débat.
Autour de la table : Caroline Yadan, députée Renaissance, co-auteure d’un rapport avec Julien Odoul du Rassemblement national, un tandem politique controversé connu pour ses positions raciste et islamophobe, ainsi que Daniel Riolo, Nicolas Jamain, Kevin Diaz et un éducateur sportif.
L’absence de voix issues du terrain associatif musulman, ou de représentants syndicaux du sport, au courant de la réalité sur le terrain, a transformé la discussion en monologue stigmatisant.
Sous couvert de défense de la laïcité, Caroline Yadan a déroulé un discours associant manifestations banales de la foi musulmane, comme des demandes de prière, à un projet politique de type “Frères musulmans”.
Le tout en s’appuyant sur un rapport de la FFF de 2019 et en négligeant largement celui, plus récent, de l’Institut des Hautes Études du ministère de l’Intérieur (2022), qui conclut que “le sport n’est pas une priorité du séparatisme”.
Mais l’exactitude des données n’a que peu pesé face au récit idéologique de Yadan.
Celle-ci a, d’ailleurs, balayé d’un revers de main les statistiques et les rapports modérés, affirmant que “la réalité ne se mesure pas qu’aux chiffres”, appuyée par Daniel Riolo dans un registre similaire.
Ce refus de considérer les faits au profit de leur perception subjective a renforcé l’impression d’un débat construit sur un ressenti islamophobe, tout en nourrissant la stigmatisation de la communauté musulmane.