Le représentant palestinien Ammar Hijazi a affirmé devant la CIJ qu'Israël utilisait le blocage de l'aide humanitaire comme "arme de guerre" à Gaza.
"Toutes les boulangeries de Gaza soutenues par les Nations unies ont été contraintes de fermer leurs portes. Neuf Palestiniens sur dix n'ont pas accès à l'eau potable", a-t-il déclaré lundi, lors de l'ouverture de l'audience.
"Les locaux des Nations unies et d'autres agences internationales sont vides... La faim est là. L'aide humanitaire est en train d'être utilisée comme une arme de guerre", a-t-il ajouté devant le panel de 15 juges.
Israël, qui ne participe pas aux audiences, a immédiatement riposté, dénonçant une "persécution systématique".
Selon le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, s'exprimant depuis Jérusalem, la procédure "s'inscrit dans le cadre d'une persécution et d'une délégitimation systématiques d'Israël".
"Ce n'est pas Israël qui devrait être jugé. C'est l'ONU et l'Unrwa", a-t-il déclaré aux journalistes, faisant référence à l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens.
Israël a promulgué une loi interdisant à l'agence subsidiaire de l'ONU, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé sans preuve certains membres du personnel d'avoir participé à l'attaque du mouvement palestinien Hamas le 7 octobre 2023. Des enquêtes indépendantes indiquent qu'Israël n'a pas fourni de preuves concernant ces allégations.
"En tant que puissance occupante, l'État d'Israël doit fournir des services ou faciliter leur fourniture – y compris par l'intermédiaire de l'Unrwa – à la population qu'il occupe", a rappelé lundi dans un communiqué Philippe Lazzarini, directeur de l'Unrwa. Vendredi, il a dénoncé "une famine provoquée par l'homme et motivée par des raisons politiques".
La famine s’installe
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".
La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d’États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".
Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza, frappés par une crise humanitaire sans précédent. Depuis le 2 mars, le pays a fermé tous les points d’accès à l’aide, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.
Vendredi, le Programme alimentaire mondial a prévenu que toutes les cuisines communautaires de Gaza "devraient être totalement à court de nourriture dans les prochains jours".
Selon les Nations unies, environ 500 000 Palestiniens ont été nouvellement déplacés depuis la fin du cessez-le-feu de deux mois.
Israël a repris ses attaques aériennes et terrestres le 18 mars, tuant au moins 2 111 Palestiniens et déclenchant ce que les Nations unies ont décrit comme "probablement la pire" crise humanitaire du territoire depuis le début de la guerre.
Israël a tué au moins 52 243 personnes à Gaza, là encore majoritairement des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé de Gaza.
Des décisions symboliques
En janvier 2024, la CIJ avait sommé Israël de prévenir tout éventuel acte de génocide envers les Palestiniens et de permettre l'accès de l'aide humanitaire à Gaza. En mars 2024, elle avait réclamé de nouvelles mesures israéliennes face à "la famine qui s'installe" dans le territoire palestinien.
En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible. Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.
Devant le Palais de la Paix, l'ambassadeur de la Palestine auprès des Nations unies, Riyad Mansour, a déclaré à la presse que les Palestiniens étaient en train de monter un dossier de droit international contre Israël, "bloc après bloc".
"Nous sommes convaincus qu'après cette horrible tragédie qui frappe notre peuple, en particulier dans la bande de Gaza, la balance de la justice s'inclinera vers la Palestine".