FRANCE
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"À bas le voile !" : quand la politique de Retailleau porte ses fruits
A Poissy, une jeune femme musulmane a été violemment agressée en pleine rue avec son bébé, par un homme qui lui a arraché son voile, avant de l’asperger d’un liquide et prendre la fuite.
"À bas le voile !" : quand la politique de Retailleau porte ses fruits
Fin mars, Retailleau avait solennellement ciblé les musulmans, martelant “À bas le voile” lors d’un meeting organisé par le collectif “Agir ensemble”, émanation du puissant lobby pro-israélien, Elnet. / TRT Français
il y a 7 heures

Lundi 28 avril, à Poissy (Yvelines), une femme de 26 ans a été agressée alors qu’elle marchait avec son bébé en poussette en pleine rue. Un homme s’est précipité sur elle pour lui arracher son voile, tout en proférant des propos hostiles, avant de prendre la fuite. 

La victime a déposé plainte, relatant un acte brutal et soudain survenu vers 16h30, alors qu’elle rentrait chez elle après des courses. 

Elle a également précisé que l’agresseur les a aspergés, son bébé et elle, d'un liquide non identifié.

Face à la gravité des faits, le préfet des Yvelines a condamné l’acte, tout comme la maire de Poissy et plusieurs parlementaires locaux. Mais le ministre de l’Intérieur, pourtant directement interpellé, a gardé le silence plusieurs heures durant.

Il s’agit du deuxième acte islamophobe grave en quelques jours seulement. Il intervient au lendemain de la marche nationale contre l’islamophobie organisée place de la République, après l’assassinat raciste d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard. 

Pourtant, à Beauvau, on peine à faire entendre une parole forte et cohérente. Le ministère préfère évoquer "l’islamisme", "les fichés S", ou "l’ordre républicain", plutôt que de reconnaître l’islamophobie comme une réalité structurante de la violence contemporaine.

TRT Global - “À bas le voile !”: le CCIE saisit la Cour de justice contre la déclaration "haineuse" de Retailleau

Le Collectif contre l'islamophobie en Europe (CCIE) a décidé de saisir la Cour de justice de la République et l'ARCOM pour dénoncer la déclaration "haineuse " du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau concernant le voile.

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“À bas le voile”

Cet énième acte islamophobe résonne surtout comme le symptôme d’un climat entretenu depuis des mois - voire des années - par certains responsables politiques, à commencer par l’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.

Le député LFI, Paul Vannier, a vite établit un lien entre cette dernière agression islamophobe et le discours stigmatisant de Retailleau sur le voile.  

Depuis plusieurs mois, Retailleau multiplie les déclarations stigmatisantes visant directement les musulmans de France, sur "le séparatisme islamiste", le “prosélytisme” et les "signes ostentatoires".

Dans une interview au Parisien en début d’année, il n’a pas hésité à qualifier le voile d”’étendard de l’islamisme” et un marqueur “d’infériorisation” des femmes, tout en se disant favorable à l’extension de l’interdiction du port du voile dans l’espace public, dans les compétitions sportives, les sorties scolaires et le milieu universitaire.

Deux mois plus tard seulement, fin mars, le même ministre a renchéri dans sa croisade islamophobe, martelant solennellement “À bas le voile” lors d’un meeting organisé par le collectif “Agir ensemble”, émanation du puissant lobby pro-israélien, Elnet.

Sentiment d’insécurité croissant

Depuis plusieurs années, responsables religieux, chercheurs et associations tirent la sonnette d’alarme sur la montée inquiétante de l’islamophobie en France, dans un climat de plus en plus hostile à l’égard des citoyens de confession musulmane.

Dans un communiqué publié après l’assassinat d’Aboubakar Cissé, Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, soulignait une stigmatisation croissante, alimentée selon lui par des discours politiques et médiatiques qui présentent les musulmans comme une menace.

Face à la multiplication des agressions, souvent non signalées, il déplore le sentiment d’abandon et de solitude ressenti par de nombreux fidèles. 

“L’inquiétude des musulmans est permanente. Le sentiment de solitude face à la méfiance, aux insultes, aux actes est de plus en plus grave”, déplore-t-il.

Il dénonce un “acte barbare” qu’il considère comme l’aboutissement logique d’une parole publique de plus en plus décomplexée. Il en appelle à une réaction ferme, immédiate et sans ambiguïté des autorités pour enrayer cette dynamique dangereuse.

Dans une interview accordée à Libération, le sociologue Vincent Geisser souligne pour sa part l’inquiétude croissante des musulmans pour la sécurité de leurs proches, mais aussi une colère alimentée par le sentiment d’un traitement inégal de la part des médias et des responsables politiques. 

Selon lui, beaucoup de musulmans ont le sentiment que les institutions ne prennent pas la mesure du drame, notamment en raison d’une réaction tardive et d’un choix de mots jugé trop timide.

Pour Geisser, l’assasinat d’Aboubakar marque un tournant symbolique. Le fait qu’il ait visé une mosquée de province, loin des projecteurs médiatiques, montre que même les lieux incarnant un islam apaisé, intégré à la vie locale, ne sont plus à l’abri. 

Ce drame s’inscrit, selon lui, dans un climat plus large de crispations identitaires. 

Menaces verbales, tags haineux, attaques contre les mosquées, débats tendus sur les établissements confessionnels ou encore effets indirects de la guerre à Gaza : autant d’éléments qui, mis bout à bout, créent une ambiance délétère susceptible de pousser certains individus à passer à l’acte. 

Face à cela, il appelle à une réponse politique plus responsable et collective. Si les condamnations existent, elles restent, selon lui, insuffisantes ou fragmentées. 

“La France doit redevenir capable de former une communauté de deuil”, plaide-t-il, critiquant les responsables politiques qui préfèrent polémiquer sur le terme “islamophobie” plutôt que de reconnaître la réalité de cette haine.

Sous couvert de lutte contre le radicalisme, le discours porté par Retailleau fait l’amalgame entre pratiques religieuses et menace sécuritaire. Cette rhétorique, relayée par une partie de la classe politique et par certains médias d'extrême droite, encourage la parole raciste et les passages violents à l’acte.


SOURCE:TRT français et agences
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