Dans cet épisode, nous examinerons pourquoi les pays qui cultivent la majorité du cacao mondial en bénéficient le moins.
Commençons en Afrique de l'Ouest, où l'Organisation Internationale du Cacao indique que plus de 70 % du cacao mondial est cultivé.
Les pays d'Afrique de l'Ouest comme la Côte d'Ivoire et le Ghana sont les plus grands producteurs de cacao au monde. Mais rappelons que le cacao n'est pas originaire d'Afrique de l'Ouest. Il est natif de la forêt amazonienne en Amérique du Sud.
La culture du cacao en Afrique a commencé au XIXe siècle, lorsqu'il a été introduit en Afrique de l'Ouest par les Portugais pour répondre à la demande européenne, à l'époque coloniale.
Au lieu de développer une industrie sur place, le cacao était cultivé sur le continent africain et les fèves brutes étaient expédiées en Europe pour être transformées et valorisées.
On pourrait penser qu'après l'indépendance des pays africains, les choses changeraient. Mais cette réalité persiste. Des millions de petits exploitants agricoles travaillent dur pour récolter les fèves qui alimentent l'industrie multimilliardaire du chocolat, mais ils ne sont pas rétribués à la hauteur de la difficulté de leur travail.
Abba Bello, directeur général de la Banque Nigériane d'Import-Export, a souligné que l'industrie du cacao — qui comprend les fèves, mais aussi les pâtisseries au chocolat, et le chocolat — rapportent 180 milliards d' euros par an.
ET, bien que l'Afrique de l'Ouest produise la majorité de ce cacao, la région ne gagne que 8 milliards de dollars.
En comparaison, l'Allemagne, qui ne cultive aucun grain de cacao, exporte pour 50 milliards deuros de produits à base de cacao.
Comment on peut expliquer une telle situation ??? La géographie du cacao du commerce du cacao n’a tout simplement pas changé depuis le XIXE siècle
Les pays africains exportent généralement des fèves de cacao brutes, considérées comme des produits de faible valeur. Les agriculteurs vendent leurs fèves à des négociants internationaux qui les exportent et les transforment ailleurs.
Les grandes entreprises fixent les prix, tandis que les agriculteurs ont peu de contrôle sur ce qu'ils gagnent. Ce sont les pays qui transforment les fèves en chocolat et autres produits qui empochent les vrais bénéfices.
Selon la Fondation Fairtrade, pour chaque barre de chocolat vendue, seulement environ 6 % du prix revient à l'agriculteur. Les 94 % restants ? Ils sont partagés entre les négociants, les fabricants et les détaillants, les grandes entreprises multinationales prenant la plus grande part.
Des pays comme le Nigeria et le Ghana ont créé des conseils de commercialisation du cacao pour garantir à leurs agriculteurs de meilleurs prix.
Un succès notable est la célèbre maison du chocolat du Nigeria à Ibadan, qui fut le premier gratte-ciel construit en Afrique de l'Ouest. Le bâtiment a été construit avec les fonds provenant des exportations de cacao.
Mais de nombreux défis subsistent avant de pouvoir parler d’une industrie du chocolat en afrique.
Le Dr Patrick Opoku Asuming, économiste et maître de conférences à la Business School de l'Université du Ghana, estime que les pays africains qui essaient de faire la différence, ne se concentrent pas assez sur le développement d’une filière.
Pendant des décennies, l'accent a été mis sur l'augmentation des exportations de fèves de cacao brutes, plutôt que de réfléchir à la manière de monter en gamme dans la chaîne de valeur.
Pour augmenter les revenus, l'Afrique doit transformer les fèves de cacao en poudre et en chocolat elle-même.
Il suggère également d'explorer des utilisations innovantes d'autres parties de la plante de cacao, comme fabriquer du savon à partir des cosses, qui sont généralement jetées.
Il conseille la mise en œuvre rapide de la Zone de libre-échange continentale africaine, qui réduirait les barrières commerciales et faciliterait le commerce, la transformation et la consommation des produits du cacao en Afrique.
En théorie, tout cela est simple, mais il y a des obstacles logistiques.
L'agriculture du cacao est très vulnérable face au changement climatique qui signifie des conditions météorologiques moins prévisibles. La qualité et la quantité des fêves en sont affectées/
De nombreux cultivateurs de cacao n'ont pas les moyens d’investir dans des outils agricoles modernes ou dans une formation qui pourrait les aider à s'adapter. Ils doivent également faire face à des problèmes tels que un approvisionnement en électricité aléatoire et des prix de matière première très fluctuants.
Résultat. La plupart des agriculteurs vivent avec moins de 1 dollar par jour. Dans certains cas, des enfants sont également impliqués dans le travail, ajoutant une autre couche à l'injustice.
La culture du cacao est l’un des principales cibles du commerce équitable.
Cette philosophie vise à garantir que les agriculteurs reçoivent de meilleurs prix et travaillent dans des conditions plus sûres. Ces programmes sont un pas vers une compensation plus équitable, mais ils restent minoritaire dans le secteur du cacao.
Un véritable changement systémique nécessiterait des transformations majeures dans la manière dont l'industrie du cacao fonctionne, du marché mondial jusqu'aux consommateurs qui aiment le chocolat.
Les experts pensent qu'assurer une alimentation électrique constante et développer simultanément l'industrie laitière conduira également à une plus grande transformation et consommation du cacao au niveau local. La production de lait va de pair avec la production de chocolat.
Bien qu'il existe des industries laitières en Afrique, l'industrie dans son ensemble n'est pas au même niveau que dans d'autres régions du monde. Cela serait donc un autre point à prendre en compte.
L agriculture du cacao se cherche un nouvel équilibre.
Moins dépendre de l'exportation de l'ingrédient brut et développer une industrie chocolatière en Afrique.
Si cela se produit, la part de l'Afrique dans l'industrie du cacao augmentera. Mais en attendant, les pays qui cultivent le plus de cacao continueront de bénéficier le moins.