Un pacte qualifié ainsi car "conclu avec [un] régime sanguinaire" et ayant eu "pour objectif de soutenir financièrement la campagne" de Nicolas Sarkozy, élu président en 2007, a déclaré le procureur financier Philippe Jaeglé dans un propos introductif.
Le procureur a également souligné face à l'ancien chef de l'Etat de 70 ans, qui prenait des notes, les genoux agités, que ce pacte "aurait pu vicier le résultat" de l'élection présidentielle et "risquait de porter atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la France".

Au procès des soupçons de financement libyen, les avocates de l'État libyen ont contesté les arguments de la défense et demandé, ce mardi, 10 millions d'euros de dommages et intérêts.
Jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy encourt une peine de 10 ans de prison et 375 000 euros d'amende, ainsi qu'une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) pouvant aller jusqu'à 5 ans.
Le parquet national financier (PNF) n'avait pas de "positionnement figé" avant le procès, a-t-il assuré dans son réquisitoire. Mais les débats, marqués par les "explications extravagantes" des trois anciens ministres et de l'ex-président prévenus, ont "renforcé" et "transformé ce positionnement en intime conviction".
La thèse de la "vengeance"
Le procureur a rappelé que ce dossier avait été "émaillé de mensonges, interférences, manipulations", notamment de la part de l'ancien locataire de l'Elysée, pour empêcher l'avancée de l'enquête, et qu'il avait "fallu déminer, écarter les fausses pistes".
Il a balayé l'un après l'autre les principaux arguments de la défense, au premier chef la thèse d'une "vengeance" des dignitaires libyens après l'intervention internationale — notamment dirigée par Nicolas Sarkozy — qui a entraîné la chute du régime de Kadhafi fin 2011.
Après cette introduction, le magistrat a entamé le premier chapitre des réquisitions, qui se poursuivront jusqu'à jeudi soir. Le montant des peines requises doit être formulé en fin de procès, comme il est d'usage.
Au vu de la gravité des faits reprochés et des peines encourues, se posera la question de savoir si l'accusation réclamera un mandat de dépôt — une incarcération immédiate, même en cas d'appel — à l'encontre de l'ancien président.
L'ex-homme fort de la droite française a de nouveau juré mercredi, lors du dernier tour de questions, ne pas avoir "touché un seul centime d'argent illégal, libyen ou autre".
"J'ai eu l'impression qu'on était parti du postulat «Sarkozy coupable»", que "l'enjeu" n'était plus la "recherche de la vérité", mais plutôt, pour le parquet financier, de "ne pas perdre la face", a affirmé l'ex-chef de l'État.
"Exfiltration" rocambolesque
Le parquet devrait aborder dès mardi après-midi les trois déplacements en Libye fin 2005, alors ministre de l'Intérieur, ainsi que de ses proches Claude Guéant (80 ans) et Brice Hortefeux (66 ans). C’est à ce moment-là qu’aurait été conclu, selon l’accusation, le "pacte de corruption".
Il devrait également détailler les virements d'argent libyen qui ont alimenté un compte de Ziad Takieddine (74 ans), principal accusateur de ce dossier, en fuite à Beyrouth depuis sa condamnation dans l'affaire Karachi. Ce dernier a aussi déclaré avoir livré des valises de cash à Claude Guéant, au ministère de l'Intérieur.
Mercredi, les procureurs évoqueront notamment les carnets de l'ancien ministre du Pétrole, Choukri Ghanem, mort en 2012 dans des circonstances troubles et qui avait écrit en avril 2007 que trois virements totalisant 6,5 millions avaient été envoyés "à Sarkozy".
L'accusation développera par ailleurs les contreparties supposées à ce financement de campagne et détaillera aussi "l'exfiltration" rocambolesque hors de France en 2012 de Bechir Saleh, l’ex-directeur de cabinet de Kadhafi, hors de France, par l'intermédiaire Alexandre Djouhri (66 ans) et le patron du renseignement intérieur.
Parmi les prévenus figurent l'ancien ministre Eric Woerth (68 ans), poursuivi en tant que trésorier de la campagne, l'ex-ami de Nicolas Sarkozy, Thierry Gaubert (73 ans), ainsi que deux hommes d'affaires saoudiens, un banquier franco-djiboutien et un ancien cadre d'Airbus.