FRANCE
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Affaire Bétharram: ambiance électrique à l’audition de Bayrou
Malgré les preuves qui l'accablent, le chef du gouvernement a tenté tant bien que mal, de se défendre devant une commission d'enquête parlementaire dans l’affaire de violences physiques et sexuelles au sein de l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram.
Affaire Bétharram: ambiance électrique à l’audition de Bayrou
Le scandale touche intimement François Bayrou, qui a scolarisé plusieurs de ses enfants dans cet établissement catholique situé près de Pau, la ville dont il est resté maire, et où son épouse a enseigné le catéchisme. / Reuters
15 mai 2025

Il a maintenu, sous serment devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, n'avoir "pas eu d'autre information" que "par la presse", lorsqu'il était ministre de l’Éducation nationale (1993-1997), des accusations de violences et agressions sexuelles dans cette école catholique du sud-ouest de la France.

"Je n'ai bénéficié d'aucune information privilégiée", a répondu le Premier ministre lors d'un échange tendu avec le corapporteur de la commission d'enquête, le député Paul Vannier (La France insoumise, gauche radicale), qu'il a notamment accusé de "déformer la réalité" concernant les faits survenus à l'établissement Notre-Dame-de-Bétharram. 

Il a assuré que son audition avait pour but de le "coincer" pour l'”obliger à démissionner”, après environ cinq heures d'audition.

Il a également accusé une témoin-clé de l'affaire Bétharram, entendue avant lui par la commission d'enquête, d'avoir "affabulé" devant les députés. Françoise Gullung, ex-professeure de mathématiques qui a enseigné à Bétharram entre 1994 et 1996, dit avoir alerté François Bayrou des violences en vigueur dans l'établissement scolaire.

TRT Global - Affaire des viols à Bétharram: Bayrou aurait menti selon Mediapart

Le Premier ministre François Bayrou avait affirmé n’avoir “jamais” été informé des viols dans l’établissement catholique de Bétharram. Pourtant, Mediapart publie une lettre avec accusé de réception et une photo d’archive prouvant le contraire.

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D'anciens religieux et personnels laïcs du collège-lycée Notre-Dame de Bétharram sont visés par quelque 200 plaintes déposées par des anciens élèves pour violences physiques, agressions sexuelles et viols commis pendant des décennies. 

Après un an d'enquête, le parquet a ouvert une information judiciaire et un ancien surveillant a été inculpé et placé en détention provisoire en février.

Le scandale touche intimement François Bayrou, qui a scolarisé plusieurs de ses enfants dans cet établissement catholique situé près de Pau, la ville dont il est resté maire, et où son épouse a enseigné le catéchisme.

Le Premier ministre a ajouté devant la commission d'enquête que son audition était "très importante" pour "les victimes".

"Elle est très importante pour les garçons et les filles qui ont été victimes de violences et particulièrement de violences sexuelles depuis des décennies", a affirmé le Premier ministre devant la commission d'enquête. 

"Si ma présence comme cible politique a permis que ces faits apparaissent, ce +Mee too+ de l'enfance, alors cela aura été utile", a-t-il ajouté.

M. Bayrou, qui a été ministre de l'Education nationale entre 1993 et 1997, est accusé d'avoir été au courant des violences commises et d'être, peut-être, intervenu auprès de la justice en parlant à un juge.

Le 11 février, devant l'Assemblée, le Premier ministre avait déjà affirmé n'avoir "jamais été informé" de violences dans cet établissement et que "jamais, pas une seule fois de (sa) vie et de toute (sa) vie politique", il était "intervenu dans une affaire judiciaire".

"Procès politique"

Mais un ancien juge, un ex-gendarme et une professeure à la retraite, qui ont déjà répondu sous serment aux députés, ont contredit le Premier ministre, comme sa fille aînée, qui a elle-même révélé récemment avoir été victime de violences physiques lors d'un camp d'été.

Emmanuel Macron, qui a réinvesti, mardi, la scène intérieure lors d'une intervention télévisée de trois heures, éclipsant son Premier ministre, a redit néanmoins avoir "confiance" en lui pour répondre "à toutes les questions" posées. 

Le Premier ministre répondait à un duo de rapporteurs, un député de la gauche radicale et une députée de la majorité présidentielle, qui rendront leurs conclusions fin juin, après avoir entendu témoins, victimes et anciens ministres.

François Bayrou, fragilisé par l'absence de majorité à l'Assemblée nationale, a plongé dans les sondages en raison notamment de ce scandale qui lui colle à la peau depuis trois mois.

Censure ?

"Si c'est pour faire un procès politique du Premier ministre, ça ne servira à rien", prévient le député centriste Erwan Balanant, pour qui "le vrai sujet" est le silence qui a entouré ces violences à Bétharram, dont les révélations ont libéré la parole dans d'autres institutions.

Peu dans son camp imaginent pourtant une censure contre lui sur cette affaire. "Le mensonge en politique, ça ne passe pas, mais c'est balancé par la vraie détresse du Premier ministre quand il a appris les violences contre sa fille" ou rencontré des victimes à Pau, estime une autre ministre.

François Bayrou a "menti" parce que "ça le gênait dans son ascension politique", s'est emporté, lundi, le père d'une victime.

"S'il avait lui-même couvert l'institution pour la protéger au détriment des élèves, effectivement, il devrait partir", a jugé le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure.

L'extrême droite évacue, elle, toute censure sur ce sujet, condamnant "l'instrumentalisation du drame (...) à des fins politiciennes".


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