MOYEN-ORIENT
6 min de lecture
Gaza: Microsoft reconnaît fournir de l'IA à Israël mais nie toute complicité dans le génocide
Microsoft a admis avoir fourni à Israël des services de logiciels, des services professionnels, un stockage cloud via Azure, ainsi que des services d’intelligence artificielle Azure, y compris des services de traduction linguistique.
Gaza: Microsoft reconnaît fournir de l'IA à Israël mais nie toute complicité dans le génocide
Plusieurs organisations de défense des droits humains s’inquiètent du recours à ces systèmes d’IA, souvent imparfaits et sujets à erreurs, pour prendre des décisions de ciblage, ce qui aurait conduit à la mort de milliers de civils innocents. / Public domain
17 mai 2025

Microsoft a reconnu, sur son blog officiel, avoir vendu des services d’intelligence artificielle (IA) avancée et de cloud computing à l’armée israélienne durant son génocide à Gaza et avoir participé aux efforts visant à localiser et secourir des otages israéliens.

L’entreprise reconnaît également qu’elle “n’a pas de visibilité sur la manière dont ses clients utilisent ses logiciels”.

Cependant, la société affirme n’avoir trouvé, à ce jour, aucune preuve que sa plateforme Azure et ses technologies d’IA aient été utilisées pour cibler ou nuire aux Palestiniens à Gaza.

Ce billet de blog non signé, publié sur le site institutionnel de Microsoft, semble constituer la première reconnaissance publique par l’entreprise de son implication dans cette guerre, qui a coûté la vie à environ 64 000 Palestiniens et a presque entièrement ravagé la bande de Gaza.

Cette déclaration survient près de trois mois après une enquête de l’Associated Press, qui a révélé des détails jusque-là inconnus sur le partenariat étroit entre le géant américain de la technologie et le ministère israélien de la Défense. Selon l’AP, l’utilisation militaire de produits commerciaux d’IA a explosé —multipliée par près de 200— après l’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre 2023.

L’AP rapporte que l’armée israélienne utilise Azure pour transcrire, traduire et traiter les renseignements issus de la surveillance de masse, informations ensuite croisées avec les systèmes israéliens de ciblage dotés d’IA.

Ce partenariat illustre une tendance croissante chez les entreprises technologiques à vendre leurs produits d’IA à des fins militaires, en Israël, en Ukraine ou encore aux États-Unis.

Cependant, plusieurs organisations de défense des droits humains s’inquiètent du recours à ces systèmes d’IA, souvent imparfaits et sujets à erreurs, pour prendre des décisions de ciblage, ce qui aurait conduit à la mort de milliers de civils innocents.

Jeudi, Microsoft a indiqué que les préoccupations exprimées par ses employés et certains articles de presse l’avaient poussée à lancer un audit interne et à engager une société extérieure pour mener des “investigations supplémentaires”. L’entreprise n’a ni identifié cette société ni publié son rapport.

La déclaration n’a pas non plus répondu précisément aux questions sur les modalités d’utilisation de ses technologies par l’armée israélienne. Vendredi, Microsoft a refusé de faire davantage de commentaires. Elle n’a pas non plus répondu aux questions écrites de l’AP concernant le rôle de ses modèles d’IA dans la traduction, le tri et l’analyse des renseignements utilisés pour sélectionner des cibles de frappes aériennes.

TRT Global - Google a facilité l’accès de l’armée israélienne à son IA, dès le début de la guerre sur Gaza

Des documents internes obtenus par The Washington Post révèlent comment le géant de la technologie a intensifié sa collaboration avec l’armée israélienne après le 7 octobre, notamment par la fourniture de technologies d’intelligence artificielle.

🔗

Des contrats israéliens avec Google, Amazon et Palantir

Dans sa déclaration, Microsoft précise avoir fourni à l’armée israélienne des logiciels, des services professionnels, un stockage cloud Azure, des services d’IA Azure (notamment de traduction), et avoir collaboré avec le gouvernement israélien pour protéger son espace cybernétique national contre les menaces extérieures.

L’entreprise indique aussi avoir accordé à Israël “un accès spécial à [ses] technologies, au-delà des termes des accords commerciaux”, et lui avoir apporté un “soutien d’urgence limité” dans le cadre des opérations visant à sauver les plus de 250 otages capturés par le Hamas le 7 octobre.

“Nous avons fourni cette aide avec une supervision importante et sur une base limitée, en approuvant certaines demandes et en en refusant d’autres. Nous pensons que l’entreprise a agi selon ses principes, de manière réfléchie et prudente, afin de sauver la vie des otages tout en respectant la vie privée et les autres droits des civils à Gaza” affirme Microsoft.

Microsoft n’a pas précisé si, dans le cadre de son enquête interne ou via la société externe qu’elle a mandatée, elle avait communiqué ou collaboré avec l’armée israélienne.
L’entreprise n’a pas non plus répondu aux demandes d’information supplémentaires concernant l’assistance spéciale fournie à Tsahal pour la récupération des otages, ni sur les mesures concrètes mises en œuvre pour protéger les droits et la vie privée des Palestiniens.

Dans sa déclaration, Microsoft admet également qu’elle “n’a pas de visibilité sur la manière dont ses clients utilisent [ses] logiciels sur leurs propres serveurs ou d’autres dispositifs”. Elle ajoute qu’elle ne peut pas savoir comment ses produits peuvent être utilisés via d’autres fournisseurs de cloud commercial.

Outre Microsoft, l’armée israélienne détient des contrats importants pour des services de cloud ou d’IA avec Google, Amazon, Palantir et plusieurs autres grandes entreprises technologiques américaines.

Microsoft précise que l’armée israélienne, comme tout autre client, est tenue de respecter sa politique d’utilisation acceptable ainsi que son code de conduite en matière d’intelligence artificielle, qui interdisent l’utilisation des produits à des fins illégales ou nuisibles. L’entreprise affirme n’avoir trouvé « aucune preuve » que Tsahal ait enfreint ces règles.

Une déclaration jugée sans précédent… et insuffisante

Pour Emelia Probasco, chercheuse principale au Center for Security and Emerging Technology de l’Université de Georgetown, cette déclaration est notable dans la mesure où rares sont les entreprises technologiques commerciales à avoir établi aussi clairement des normes pour leur collaboration avec des gouvernements à l’échelle mondiale :

“Nous vivons un moment remarquable où c’est une entreprise —et non un État— qui dicte les conditions d’utilisation à un gouvernement en pleine guerre. C’est comme si un fabricant de chars disait à un pays : vous ne pouvez utiliser nos tanks que dans tel ou tel but. C’est un nouveau paradigme”, a-t-elle commenté.

Des critiques internes dénoncent une opération de blanchiment d’image

Israël s’est appuyé sur une vaste collecte de renseignements pour cibler les Palestiniens.
A titre d’exemple, un raid en février 2024 pour libérer deux otages israéliens à Rafah a entraîné la mort de 60 Palestiniens. Une autre opération en juin 2024, dans le camp de réfugiés de Nuseirat, a permis de libérer quatre otages israéliens mais a tué au moins 274 Palestiniens.

Au total, les bombardements et les incursions israéliennes à Gaza et au Liban auraient fait plus de 64 000 morts, en majorité des femmes et des enfants.

Le collectif No Azure for Apartheid, composé d’employés et d’anciens employés de Microsoft, a réclamé, vendredi, la publication intégrale du rapport d’enquête.
Pour Hossam Nasr, ancien salarié licencié en octobre après avoir organisé une veillée non autorisée pour les Palestiniens tués à Gaza, “il est évident que l’objectif de cette déclaration n’est pas de répondre aux inquiétudes des employés, mais plutôt de mener une opération de communication pour redorer une image ternie par ses liens avec l’armée israélienne”.

Un début de transparence jugé insuffisant par les ONG

Cindy Cohn, directrice exécutive de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), a salué le pas de Microsoft vers une forme de transparence.

Elle a, néanmoins, souligné que de nombreuses questions restaient sans réponse, notamment sur la manière dont les services et modèles d’IA de Microsoft sont utilisés sur les serveurs gouvernementaux israéliens : 

“Je me réjouis de ce petit effort de transparence. Mais il est difficile de concilier ces déclarations avec la réalité du terrain”, a pointé Cohn, qui plaide depuis longtemps pour que les géants américains de la tech soient plus ouverts sur leurs contrats militaires.


SOURCE:TRT français et agences
Jetez un coup d'œil sur TRT Global. Partagez vos retours !
Contact us