Selon la publication britannique The Guardian, une analyse des données commerciales montre que des entreprises britanniques ont exporté des munitions et d’autres équipements depuis la suspension de licences clés.
L’étude soulève également des questions sur la possibilité que le Royaume-Uni ait continué à vendre directement à Israël des pièces détachées du F-35, en violation d’un engagement à ne les vendre qu’aux fabricants américains Lockheed Martin, afin de préserver la chaîne d’approvisionnement mondiale de cet avion de chasse — ce que le gouvernement considère comme essentiel pour la sécurité nationale et celle de l’OTAN.

Tandis que le gouvernement français assure qu’il s’agit d’armes à vocation défensive, les nouvelles licences d'exportation validés par celui-ci, contiennent “bombes, torpilles, roquettes, missiles”.
“Grand secret”
Ces révélations ont conduit l’ancien chancelier travailliste du cabinet fantôme John McDonnell à réclamer une enquête complète.
Il a ajouté que s’il est établi que le ministre des Affaires étrangères, David Lammy, avait induit le Parlement en erreur en septembre en violation du code ministériel, cela justifierait une démission.
À l’époque, Lammy avait affirmé aux députés que la majorité des livraisons britanniques à Israël étaient de “nature défensive”.
“Le gouvernement a entouré d’un grand secret ses livraisons d’armes à Israël. Il doit enfin faire toute la lumière à la suite de ces éléments extrêmement préoccupants et suspendre toutes les exportations d’armes vers Israël, afin qu’aucune arme fabriquée au Royaume-Uni ne soit utilisée dans les nouveaux projets terrifiants de Netanyahu visant à annexer la bande de Gaza et à nettoyer ethniquement le territoire”, a déclaré McDonnell.
L’étude — menée conjointement par le Palestinian Youth Movement, Progressive International et Workers for a Free Palestine — s’appuie sur les données d’importation de l’administration fiscale israélienne pour analyser ce que la poursuite de 200 licences d’exportation d’armes a permis à Israël d’importer.
Elle couvre les sept premiers mois de l’interdiction partielle imposée par le gouvernement travailliste, jusqu’en mars.
En septembre, le gouvernement travailliste a suspendu 29 licences d’exportation d’armes destinées à un usage offensif à Gaza, laissant en place 200 autres licences. Une exception a également été accordée pour les équipements liés au programme F-35, invoquant des impératifs de sécurité nationale.
Les suspensions ont été décidées en raison du risque évident que les armes soient utilisées par Israël pour commettre de graves violations du droit international humanitaire.
Les ministres ont assuré à plusieurs reprises aux députés que les licences restantes ne concernaient pas des biens destinés à un usage militaire dans le conflit contre les Palestiniens.
Ainsi, David Lammy a déclaré au Parlement que les licences restantes concernaient des articles comme “des lunettes de protection et des casques, destinés à l’un des plus proches alliés du Royaume-Uni”.
Le Foreign Office n’a pas publié de détails sur la nature précise des licences maintenues.
Mais les nouvelles recherches jettent le doute sur la validité de cette distinction entre usage défensif et offensif, surtout si, comme cela semble être le cas, elle a permis un contournement pour vendre des munitions à Israël.
Le Royaume-Uni ne dispose d’aucun mécanisme pour vérifier l’usage que l’armée israélienne fait des munitions exportées.
Selon cette étude, 14 livraisons d’articles militaires ont été effectuées depuis le Royaume-Uni vers Israël depuis octobre 2023, dont 13 par voie aérienne à l’aéroport Ben Gourion, et une livraison maritime qui comprenait à elle seule 160 000 articles au port de Haïfa.
Depuis septembre 2024, 8 630 articles ont été exportés sous la catégorie : “bombes, grenades, torpilles, mines, missiles et munitions de guerre similaires, ainsi que leurs pièces – autres”.
“Le gouvernement a menti”
Outre les armes, quatre livraisons comprenant 146 articles ont été effectuées après septembre, sous un code douanier désignant : “chars et autres véhicules de combat blindés motorisés, armés ou non, et pièces de ces véhicules”, indique The Guardian.
La majorité des livraisons, d’une valeur totale légèrement supérieure à 500 000 livres sterling, a eu lieu après la suspension des licences en septembre.
Les données israéliennes précisent un code d’exportation, le pays d’origine, la valeur des articles, le mois d’expédition et le mode de transport (terre ou mer), mais ne mentionnent ni le fournisseur ni l’acheteur.
Concernant l’engagement à ne pas vendre de pièces du F-35 directement à Israël, le rapport indique que le rythme mensuel des expéditions britanniques de pièces aéronautiques vers Israël n’a guère changé depuis septembre, bien que les données ne permettent pas de savoir s’il s’agit de pièces militaires.
Zarah Sultana, députée de Coventry Sud, a déclaré que “ce rapport explosif montre que le gouvernement a menti sur les armes qu’il fournit à Israël alors que celui-ci mène un génocide à Gaza. Loin des "casques et lunettes", le gouvernement a envoyé des milliers d’armes et de munitions”.
Le Parti travailliste a retiré son investiture à Sultana après qu’elle a voté contre des réductions des aides sociales.