Par Ali Boukhlef à Alger
“Je suis venu à Alger pour porter le message du Président de la République : nous devons tourner la page des tensions pour reconstruire un partenariat d’égal à égal, dans l’intérêt de nos deux pays”.
Au terme d’une visite marathon effectuée dimanche 6 avril à Alger, le ministre français des Affaires Étrangères, Jean-Noël Barrot a réussi le pari de décrisper la tension qui empoisonne depuis plus de 8 mois les relations entre les deux pays.
Après avoir discuté longuement avec son homologue algérien Ahmed Attaf, le chef de la diplomatie française a été reçu durant près de deux heures par le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
“(…) la France souhaite tourner la page des tensions actuelles pour reconstruire un partenariat d’égal à égal, serein et apaisé avec l’Algérie”, a indiqué le ministre français à l’issue de sa rencontre avec le président algérien. “Un rideau s’est levé” sur les relations entre les deux pays, a encore insisté le ministre, paraphrasant le président algérien.
Reprise de la coopération sécuritaire et économique
Plus concrètement, “les contacts entre les services de renseignement reprennent. Une réunion des plus hauts responsables de la sécurité de nos deux pays est désormais actée. De même, nous aurons un dialogue stratégique sur le Sahel”, a précisé Jean-Noël Barrot qui a ajouté que la coopération économique allait également trouver un nouvel élan après que le président Abdelmadjid Tebboune avait promis de débloquer les projets français d’investissements en Algérie notamment dans l’industrie automobile et pharmaceutique.
Les hommes d’affaires des deux pays vont d’ailleurs se rencontrer dans les prochains jours.
Reste le lancinant problème de l’émigration. Aux Français qui ont demandé à ce que l’Algérie accepte de reprendre ses ressortissants expulsés de France, Alger renvoie les autorités françaises à ses consulats éparpillés un peu partout dans l’Hexagone. Selon des sources diplomatiques, l’Algérie a demandé à la France “la protection de ses ressortissants” et exige un “traitement au cas par cas” pour les personnes que les autorités françaises souhaitent expulser. Cela concerne aussi les 60 personnes jugées dangereuses par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Des dossiers résolus, d’autres en attente…
Le refus de la France d’extrader certaines personnalités jugées en Algérie pour corruption est un autre dossier qui empoisonne les relations entre les deux pays. Pour répondre à cette requête, le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin va effectuer une visite en Algérie, a confirmé Jean-Noël Barrot qui n’a pas donné de date précise .
En revanche, il a confirmé la visite en France des juges algériens pour étudier, avec leurs homologues français tous les dossiers délicats. Il s’agit notamment d’anciens ministres et hommes d’affaires jugés et condamnés en Algérie pour corruption.
Les autorités judiciaires françaises refusent pour le moment de céder aux demandes algériennes. C’est le cas récemment de l’ancien ministre de l’Industrie, Abdesselam Bouchouareb, 72 ans, condamné en Algérie à quatre ans de prison, dont l’extradition a été refusée par un juge français parce qu’il est “vieux et malade”.
Au sujet de la mémoire, les deux pays ont relancé le travail d’une commission mixte d’historiens. Cinq experts algériens et cinq français préparent un dossier sur la période coloniale. Le document sera remis aux deux chefs d’État d’ici l’été prochain.
Sur le plan diplomatique, la normalisation des relations entre les deux pays est actée. Elle sera en revanche confirmée par la nomination prochaine d’un ambassadeur algérien à Paris. Ce poste est resté vacant depuis que l’Algérie avait décidé de retirer son représentant dans la capitale française en juillet 2024, en signe de protestation contre la reconnaissance par la France de la “souveraineté du Maroc” sur le Sahara Occidental, territoire non-autonome situé au Sud-Ouest de l’Algérie. Ce territoire est revendiqué par le Maroc et des indépendantistes sahraouis qui réclament un référendum d’autodétermination.
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